Gestion bienveillante : ménager ses partenaires
Jeter un regard patient, attentif et ouvert sur ses partenaires et son entourage au bal, c’est d’abord aussi se jauger soi-même. Goûts, valeurs, préférences, qualités, faiblesses, tout s’y révèle un peu dans tout. Le petit monde du bal folk est grand par la diversité des personnes qui l’habitent. La variété de leurs façons d’être durant ces quelques heures de sociabilité légère suscite impressions et émotions.
- Nous nous connaissons, sans plus, elle me dévisage comme déjà dans bien d'autres bals, durant la brève partie marchée en chapelloise. Mais cette fois-ci elle est prise d'un quasi fou rire qui me déconcerte. Moi irrésistible ou moi ridicule ? Pourtant rien dit, rien fait. Des yeux revolvers, et elle en meurt de rire.
- Certains meneurs experts assurent leur plaisir par de spectaculaires ornementations pédestres faites d’indescriptibles techniques superflues. Ils bluffent des débutants déroutés qui y chercheraient un modèle abordable. Les meneuses me paraissent plus sobres en mouvements. Simplicité, exemplarité.
- Elle est comme endimanchée dans ce bal folk, c'est décalé, élégance différente joliment portée, elle l'assume, ça passe bien pour moi. Bon, les talons hauts en valse à huit temps, c'est quand même une épreuve difficile.
- Danser tous deux à égale hauteur d'yeux, c'est rare avec un gabarit comme le mien. Mais quand ma partenaire est de ma taille, une agréable, inhabituelle et délicate proximité s’établit. Promixité ? Promiscuité ? C’est aussi beaucoup sa respiration que je perçois autrement.
- Une cavalière petite à mignonne queue de cheval. Elle va attraper un torticolis en conversant pendant la valse si elle me regarde en contre-plongée. Mais si je me penche trop longuement pour lui parler à l'oreille, c'est moi qui vais souffrir du dos. Dansons donc et en silence, on tourne.
- Ah, la grande classe des danseurs en short ! La liberté des codes vestimentaires du genre folk est illimitée. Le plus du pire, c'est avec un marcel, sandales, parfois socquettes. Ce laisser-aller estival est-il répulsif pour mes possibles cavalières et la concurrence masculine en sera-t-elle donc réduite ? Ces campeurs velus ne dansent pas mal du tout, hélas !
- Elle a tout d'une danseuse folk de démonstration, mais un tatouage coloré et expressif au dessus de la cheville. Ses mouvements le dévoilent finement et impunément, grâce à ses jupes mi-longues. Vais-je banalement lui en trousser un compliment, entre deux danses, comme tout un chacun ? Oui, d'accord, c'est aussi "étudié pour". Tout atout.
- Sous l’influence peu résistible de mes cavalières, j'en arrive à diverses entorses aux codes d’authenticité. Swings de cercle circassien autres qu'en position réglementaire "couple moderne salon", ou encore ajout de pastourelle des fins de promenade, ou valses collé-serré « musette ».
- Elle est tellement jolie, pimpante et avenante que si elle s’avère trop débutante, je l'encouragerai très vivement. Je crains qu'elle ne refuse tout d'abord mon invitation à danser. Là, je lui trouverais des défauts insoutenables. Ainsi qu'à moi également.
- Il m’arrive de me faire inviter, pour une danse évidente, par une formule telle que « tu sais la danser ? moi pas vraiment…». J'accepte avec une feinte prudence par un « comme-ci, comme-ça », je me dis que cela met ma partenaire en confiance. Moi de même.
- Parfois quand je ne suis pas sûr de savoir bien faire, je m’y lance, sans trop oser dire «non, mais avec vous j’ai furieusement envie d’essayer».
Plus rarement, je mens poli(tique)ment pour fuir en disant que non, je ne sais pas faire (mais c’est à éviter en pays de connaissances).
- Après une éclipse longuette loin des bals, cette virtuose revient, parée en gitane, flamboyante en jupons orangés, ses cheveux noirs en cascade sur les reins, la jambe racée, le pied aérien, le talent et l'énergie intacts. Bonheur, grand trac : elle m'invite à danser ! Mes genoux sont presque en castagnettes et mon cœur trépide comme une basse funky. Surtout, ne pas démériter.
Amato