De la communication à la complicité
Pour s’accorder dans la danse cavalier et cavalière sont à l’écoute l’un de l’autre. Cette communication passe par le contact, le regard, le sourire et le geste. Selon les partenaires, selon le moment, cette relation peut parfois mener vers une certaine complicité. Le temps de la danse, un lien particulier peut se tisser avec son partenaire pour créer un univers subtil, magique et unique. De nombreux danseurs se sont exprimés sur le grand forum de monde trad et folk qu’est TradZone afin de donner leur vision de la communication et la complicité en danses traditionnelles de bal folk. Voici quelques-unes de leurs réponses.
Lanost - Nancy, Meurthe-et-Moselle
« La communication ne marche pas tout le temps, moi je me retrouve souvent à essayer d'accrocher mes partenaires. Si ça ne marche pas, on danse machinalement, ou alors on communique que dans le sens de celui qui guide et dans la plus grande majorité des cas… c'est moi.
Le regard n'est pas parti intégrante de la communication en danse. Je danse souvent en fermant les yeux, tout comme ma partenaire. Avec le radar intégré, on évite les autres couples. On arrive aussi à ce passer le mot afin de freiner et de repartir sur d'autres pas ou variantes.
Je pense aussi que dans la danse en couple, on fait souvent du monologue, le cavalier impose et la cavalière écoute, mais pas dans la majorité des cas. Par contre dans des danses de couple où les deux partenaires sont libres et ne se touchent pas (type bourré, avant deux,..) Là, il existe une réelle interaction entre les deux membres du couple, un truc qui peux ce passer, et là le regard et le principal mode de communication.
La danse c'est surtout et avant tout, du feeling, comme le disent les Anglais, donc sa passe ou sa casse. Ça communique ou pas. Là est le fait, c'est que si les gens savent danser, le reste c'est selon l'humeur et l'envie du moment. »
Flore - 28 ans, Ariège
« Pour moi, complicité = communication non verbale réussie !
Quand un dialogue s'instaure, un dialogue des corps, des gestes, des mimiques, des regards. La complicité est possible avec n'importe qui, homme ou femme, ami(e) ou inconnu(e). La danse est encore plus intense quand cette complicité naît de la danse, qu'on ne connaît pas son partenaire.
Cette complicité peut se développer dans le jeu, par exemple dans une bourrée deux temps chacun peut impulser un style, une figure. On lance quelque chose, à l'autre de répondre. On se cherche, on peut se lancer des défis, ou au contraire faire des choses toutes simples. Dans les danses où on ne se touche pas, pas de complicité sans regard.
Dans les danses de couple, la complicité c'est quand on répond sans effort à l'impulsion de l'autre, quand on trouve la bonne distance et le style qui convient aux deux partenaires, à ce moment-là, avec cette personne-là. Bref, quand on est sur la même longueur d'onde.
D'une façon générale, la danse perd de son charme si on est obligé de se parler pour réussir à s'accorder.
Si je danse avec un très bon danseur mais qu'il n'est pas attentif à la qualité de la relation qui se développe le temps de la danse, ça n'a pas d'intérêt. »
MZellfriZette - 15 ans
« Pour moi la communication dans la danse est inévitable et la plupart du temps elle passe par les yeux. Même dans un cercle circassien où souvent les danseurs ne prennent pas le temps, je m'oblige à regarder mon partenaire dans les yeux, au moins quelques secondes. »
Terpsichore - 20 ans, Lyon
« Une scottish, avec un cavalier qui dansera sans porter attention à cette harmonie dans le couple, sera sans aucune saveur et sera une scottish « comme les autres » ! »
T'itbeauton - 19 ans, Succieu, Isère
« La part liée à l'instinct, la liberté dans la danse, ce qui lui donne cet attrait, c'est pour ma part ce qui peut être responsable d'une complicité. Nul besoin de mots, nul besoin de regards, à peine besoin de s'effleurer, simplement le bonheur de se sentir bien AVEC l'autre à un moment donné, c'est une question de partage. Il faut faire un peu don de sa personne, s'ouvrir à l'autre et se dévoiler, même de manière imperceptible au premier abord. Et puis, il faut être généreux. Alors oui, là, parfois, la complicité s'installe. Mais il faut savoir découvrir l'altérité et s'y ouvrir, accepter l'autre comme il est, ensuite cela ne dépend plus de nous. »
Maïtiù - 23 ans, Chambéry
« Effectivement une communication non verbale est la base de la complicité. Mais une complicité ne naît pas forcement. Il arrive qu'on soit attentif à son/sa partenaire, que tout se passe bien, on se comprend…mais rien de passionnant quand même. Z5
Je distingue souvent des complicités différentes, notamment avec les personnes que l'on connaît et les inconnus. Parmis les personnes connues, celles avec qui on est complice en dehors de la danse et les autres.
Une chose est sûre, contrairement à la réciprocité, la complicité se vit à deux parce qu'elle naît de l'impulsion de l'un ET de la réponse de l'autre ET vice versa. Et aussi peut-être de l'audace dont on fait preuve dans ces cas là. Car en ayant vu la réponse en face, on "ose" s'aventurer un peu plus loin. Voir l'autre nous suivre, nous rattraper, et aller encore un peu plus loin, fait naître un sentiment d'euphorie mutuelle que nous entretienons mutuellement en appelant ça complicité. »
Cyril - 20 ans, Auvergne
« Il est vrai que la complicité avec son partenaire est très importante quand on danse. Cependant, la complicité entre deux danseurs ne s'arrête pas au contact physique et loin de là. Il y a d'autres choses qui entrent en scène et qui font naître ou renforcent cette complicité... Tout d'abord, en ce qui concerne les danses de couple, il me semble que la complicité entre deux danseurs n'est pas de même nature que dans le cas d'une bourrée. Déjà, je trouve qu'une danse de couple nous impose un cadre qui nous empêche d'aller jusqu'au bout des choses... Je m'explique. Dans une scottish par exemple (mais ceci est également valable pour mazurka, valse... et j'en passe !), il y a toujours un meneur et un mené, donc une personne qui guide et une qui est guidée. Dès lors, ce système confère aux deux danseurs deux statuts complètement différents, deux rôles. Pour le meneur, c'est clair, c'est lui qui "mène la barque" : gestion dans l'espace, contrôle de l'équilibre et de l'énergie... C'est lui qui prend les initiatives, je ne dis pas que la personne qui est menée est complètement "prisonnière" de l'autre, mais je pense juste que sa marche de manœuvre est moins importante. Elle ne peut pas s'exprimer entièrement et aller au bout de toutes ses envies, ce qui instaure un déséquilibre entre les deux partenaires, ce qui ne permet pas d'accéder à une complicité totale. Mais, si l'on inverse les rôles au milieu de la danse, la balance revient au milieu et tout le monde est content...
Par contre pour une bourrée, ce n'est pas pareil et en particulier pour une trois temps. Nous avons toujours deux danseurs mais la relation meneur/mené est en général beaucoup moins marquée voire parfois inexistante... C'est pourquoi, les deux individus sont tous les deux acteurs dans la danse et ont tous les deux quelque chose à apporter et surtout s'apporter mutuellement. C'est un véritable jeu, qui se construit entre les deux personnes, tout au long de la danse et chacun a son rôle à jouer. Chacun bénéficie d'une certaine "liberté" physique, qui permet à chacun de s'exprimer, puisqu'en fait, il s'agit d'un véritable langage. Éléments de gestuelle, ornementations, improvisations... tout concourt à renforcer le rapport entre les deux danseurs jusqu'à créer une complicité, une osmose et même parfois une cohésion totale (par exemple, quand on danse souvent avec la même personne ; au fil des danses, on apprend à connaître le danseur ou la danseuse qui sommeille en elle, ses petites habitudes, ses réflexes... et au bout d'un moment, la complicité est si forte que l'on ne fait plus qu'un et là, il n'y a pas de mots, croyez en mon expérience...). La conscience et l'écoute du partenaire sont bien évidemment primordiaux, et pas seulement par le regard, il faut toujours sentir la présence de son partenaire...
Après, pour la sensualité, c'est une autre histoire... »
Tirno - 23 ans, Saint-Etienne
« Une distinction possible : La communication, c'est faire passer le message de la danse qu'on voudrait danser. La complicité, c'est découvrir qu'on veut danser la même danse et faire de cette danse quelque chose d'exceptionnel. La communication, c'est le temps de la danse. La complicité c'est découvrir l'autre.
La complicité, c'est toujours beau à avoir, mais j'avoue que je la recherche vraiment dans les danses en rond ou en chaine - de la complicité musiciens-danseurs sur un beau rond de Saint Vincent - mon rêve. Une des formes de "promesse" du trad - rapprocher les gens - faire tomber ces barrières que l'on bâtit sans cesse autour de soi.
Les rythmes dans la communication et complicité... ça dépend de l'humeur du moment, de la personne, du musicien... pas très important.
Avec n'importe qui ? Des fois, avec des amis, on répète un peu les mêmes gestes - des fois avec des inconnus, le premier contact nous inspire à faire quelque chose d'inédit. Parfois, ce contact est tellement fort qu'on veut explorer toutes les danses ensemble. Parfois, on est même troublé, effrayés par une nouvelle rencontre qui s'est passée trop vite - peur que la danse ait été si magique que les suivantes seront une déception.
Comment ? Parfois, le sourire ou le regard nous indiquent que ce que nous venons de communiquer à l'autre est exceptionnel. La tenue peut aussi indiquer le désir de "souder" encore plus la danse - un réajustement des mains, un déplacement du rapport des corps, un déplacement de la tête. Parfois cette complicité s'installe tout de suite, d'autres fois elle s'installe plus lentement...
J'aime aussi passer par l'imitation et la mimique. Ainsi que la répétition - souvent les moments les plus intenses ne sont pas de la variation et le délire mais la répétition d'un mouvement "parfait". Ca me rappelle une scottish au Puy en Velay ou on a commencé à tourner, à tourner, à tourner, s'effleurant du toucher, effleurant le parquet, portés par la musique... »
Audrey - 28 ans, Lyon et Auvergne
« Pour moi, il y a bien rencontre entre les danseurs, que ce soit en bourrées ou en danse de couples.
Effectivement, on peut développer une belle complicité avec une bourrée, et de préférence trois temps. Surtout si on est vraiment heureux de la danser.
Ce que j'apprécie, c'est que l'on peut les danser sans être trop gêné si c'est un copain ou copine qui commence à danser – le risque d'écrasage de pied est limité.
Toutefois, les danses de couples ont pour moi, une dimension vraiment particulière, car quand on commence la danse , on est déjà en position "rapprochée". Donc ce qui se joue, se danse, renvoie à des sensations plus "corporelles" (plus ténues, plus ressenties) que visuelles.
Il me semble que le niveau du danseur est plus important en danse de couple (une valse à 8 temps avec qui ne sait pas la danser peut être un calvaire ! alors qu'une bourrée...on limite la déception...)
Les danses de couples demandent un ajustement entre les partenaires beaucoup plus important.
Je pense que bourrées ou danse de couples peuvent être "sensuelles" ou non, ça dépend de ce que l'on y met !
En tous cas, mazurkas, et valses asymétriques demandent à mon avis plus d'écoute de l'autre dans le sens "écoute du corps de l'autre". »
Wann - 21 ans, Poitiers
« La complicité est pour la plupart véhiculée par le regard. Quand on en arrive à parler, on casse en quelque sorte le rythme et cela s'en ressent souvent dans le plaisir de danser. C'est d'ailleurs pour ça que, en général, s’il y a des petits ratés, il vaut mieux en parler à la fin de la danse. Cela permet de préserver le carpe diemisme magique de l'instant danse.
La communication peut aussi s'établir via une gestuelle, des invitations à occuper des espaces de danse, la préservation de tel ou tel autre espace de danse, etc. »
Publié sur AccroFolk en accord avec TradZone.